Toutes ces choses qui font de nous ce que nous sommes

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Avez-vous déjà passé une bonne partie de votre vie à défendre une cause qui finalement n’en était pas une ? Avez-vous déjà détesté une personne, au point d’être indifférent envers elle, ce pendant une bonne partie de votre vie alors qu’en fait le tout ne reposait que sur une divergence d’opinion et sur le fait que vous ne compreniez pas le pourquoi du comportement et des actes posés par cette personne ?

J’ai passé dix-huit ans de ma vie à détester mon père. Cela vous étonne ? Ce n’est pas que je ne l’aimais pas mais je détestais son attitude à mon égard.

Je ne dirai pas que j’ai connu une enfance difficile mais plutôt que j’ai été éduqué à la dure. Très tôt, le père aimant de mes premières années de vie sur cette terre a laissé place à mon bourreau de père. Apprendre et ne laisser aucune place aux loisirs, sinon pendant les vacances était le leitmotiv. Pour obtenir une permission pour une fête d’anniversaire ou une quelconque occasion de réjouissance, je devais le prévenir au plus tard huit jours à l’avance. Pas question que son fils bouge si les délais ne sont pas respectés. Il n’était donc pas question de profiter ni des après-midi de mercredi, ni des week-ends pour se recréer avec les potes du quartier. J’étais constamment cloîtré chez moi la plupart du temps devant mes leçons ou la télé ; et encore pour la télé il me fallait l’aval de mon père. Vous imaginez le sentiment qui naît dans le cœur d’un gosse d’une dizaine d’années dans ces conditions ?

Tout s’est empiré quand j’ai atteint la classe de cinquième, lorsque suite à un petit différend au sujet d’une paire de chaussures ; différend dont je vous épargne les détails, j’ai commencé par vivre sans mon père. Nous ne vivions pourtant pas séparés mais bien sous le même toit. J’avais juste développé une certaine indifférence envers lui. Je ne lui manquais en aucun cas de respect mais j’avais simplement commencé par ne plus compter sur lui. Je ne ressentais même plus cette peur là que ressentent les enfants face à leur géniteur après avoir gaffé. Ce sentiment m’a animé pendant longtemps jusqu’au jour où le diplômé sans emploi, que j’étais, a annoncé à son père qu’il allait lui aussi devenir papa. Loin de tout ce que j’avais toujours pensé, mon père m’a soutenu dans cette expérience de ma vie ; il a été l’épaule sur laquelle je pouvais décharger mon fardeau. Moi qui ai passé le clair de mon temps à le détester ; moi qui disais que quand on a compris la nature de certaines choses ou de certaines personnes, on sais de quoi elles sont capables, en faisant ainsi allusion à ses comportements à mon égard ; me suis rendu compte que durant tout ce temps, que je ne pourrai plus jamais rattraper, j’étais passé à côté de l’essentiel : apprendre à connaître mon père.

Aujourd’hui, bien que vivant séparés, mon père et moi sommes plus proches que jamais. La paternité nous change vous croyez ? Peut-être. Aujourd’hui, j’éprouve de la gratitude envers mon père. Jamais je n’ai manqué de quoi que ce soit pour mes études, jamais je n’ai manqué d’argent de poche, jamais je n’ai été renvoyé durant tout mon parcours scolaire pour non paiement des frais, jamais une facture n’est restée impayée, jamais je n’ai manqué d’habit, jamais je n’ai manqué de soins médicaux, jamais, jamais, jamais.

Avec du recul, je me rend compte que mon père m’a tout appris, l’essentiel, ÊTRE UN HOMME, NE COMPTER SUR PERSONNE SINON SUR SOI ET TOUJOURS DÉFENDRE SON HONNEUR. Oui, c’est bien cela. Sinon comment expliquer que malgré ses innombrables relations et sa position socioprofessionnelle élevée, mon père ne soit jamais intervenu pour m’aider à trouver ne serait-ce qu’un job ?

Il m’a fallu du temps pour ouvrir les yeux et m’en rendre compte mais en y pensant, si aujourd’hui je suis si fier de moi et que malgré tout ce que j’ai traversé ces quatre dernières années je poursuis mes études, c’est parce que cela m’a été inculqué. Si je n’ai jamais touché à la drogue alors que mon environnement m’exposait à cela, c’est parce que le cocon paternel a su m’en préserver. Si aujourd’hui, je compte uniquement sur les ressources dont je dispose, c’est parce que mon père m’a appris qu’il ne fallait compter que sur soi. Si aujourd’hui, je ne répond à une invitation que lorsque j’ai suffisamment été prévenu à l’avance, c’est parce que j’ai été ainsi éduqué.

Je ne dis pas que l’éducation que m’a donné mon père est la meilleure mais je pense que j’ai pu en tirer le meilleur parti et cela, il n’en est que plus fier. Oui, j’ai su me forger une personnalité à partir de ses prérequis et de ce que la vie m’a enseigné.

Être parent, c’est savoir manier le bâton et la carotte. Mon père a plus manié le bâton que la carotte, en ce qui me concerne, mais je pense que le pédagogue qu’il est ; ancien enseignant à l’université du Bénin (actuelle université de Lomé) de son état, a tôt compris que c’est ce qu’il fallait pour mon éducation car sans vous mentir, sans cela, j’aurai probablement arrêté mes études après le brevet comme tous mes potes de quartier de l’époque.

Mon père m’a donné son amour et m’a toujours protégé. Il n’a jamais su le montrer mais il a toujours été présent pour me soutenir, à sa façon, du mieux qu’il pouvait. Reste à savoir si je pourrai, à mon tour, relever le défi : faire de mon fils un homme.

3 commentaires sur “Toutes ces choses qui font de nous ce que nous sommes

  1. Si tu étais Barack Obama, je dirais que tu serais probablement entrain d’écrire « les rêves de mon père 2 ». En tout cas, déjà ton père t’a donné une paire de couilles et un re-père pour faire de toi un ex-père de la vie… et Quand tes paires deviendront des ex-paires à ta mort, seules compteront les traces que tu a laissé sans que personne ne les pétine. Comme ça tes descendants seront pépères… lol

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